ULiège, Fabrique des Possibles

Virginie Xhauflair : mener la révolution de l'intérieur

Le sens et la finalité avant la performance financière


Dans Finances Recherche

Après avoir longtemps travaillé sur la philanthropie des entreprises, Virginie Xhauflair, Professeure d’éthique et en responsabilité sociale des organisations à HEC, a décidé de bifurquer. Elle porte aujourd’hui une conviction, celle de pouvoir changer les entreprises de l’intérieur en leur insufflant d’autres valeurs que la recherche de profits à tout prix.  

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Non loin de HEC Liège, dans le centre-ville, se dressent les Serres du jardin botanique et une profusion de vie où Virginie Xhauflair confie souvent se réfugier « pour y faire l’expérience du vivant. C’est d’autant plus important pour moi que je travaille sur la responsabilité sociétale des entreprises, et pendant trop longtemps ces dernières s’en sont coupées, en considérant le vivant uniquement comme une ressource exploitable, ajoute-t-elle. Il est primordial aujourd’hui de trouver de nouveaux mécanismes de gestion qui le prennent en compte dans la finalité des entreprises. »

Aujourd’hui, nombre d’entre elles disent compenser leur empreinte carbone et planter des arbres. Mais derrière les déclarations d’intention et les postures, la chercheuse souhaite questionner les pratiques que ces entreprises mettent en œuvre pour changer ce rapport à la biodiversité. À cette fin, elle étudie notamment le label belge de finance durable « Toward Sustainability », qui permet à l’industrie financière d’investir de façon socialement responsable. « Souvent, ces labels ne permettent pas de véritable changement, pointe Virginie Xhauflair. C’est pourquoi ce dernier est une vraie surprise, car il est actuellement le plus exigeant en Europe, et il est important de comprendre les ressorts de ce type d’outil. »

Le sens du travail

Au-delà de ses activités de recherche, l’anthropologue de formation questionne surtout les entreprises conventionnelles sur le sens de leurs activités et de leur place au sein de la société, notamment au travers de ses activités au sein du Centre d’Économie Sociale (CES) de HEC Liège. « Beaucoup des chefs et cheffes d’entreprises que je rencontre ont conscience qu’ils doivent changer leurs pratiques, constate-t-elle. Mais ce changement est pour eux terrifiant. Ils se demandent souvent par où commencer. »

Prendre conscience qu’il est possible de faire autrement est souvent un premier pas et, avec ses collègues du CES, Virginie Xhauflair travaille à leur montrer qu’il existe d’autres modèles, comme les entreprises sociales[1]. « Ces entreprises tentent d’être conscientes de leur influence sur le tissu social en réfléchissant à l’ensemble de leur mécanique, explique-t-elle. Cela passe aussi bien par la répartition du pouvoir que par une attention particulière portée à toute la chaîne d’approvisionnement, ou encore par une évaluation de la performance qui ne soit pas uniquement basée sur des critères financiers[2]. » Car Virginie Xhauflair en est convaincue : ce sont elles, les entreprises de demain, et les entreprises conventionnelles doivent s’en inspirer pour réaliser une véritable transition durable. « Les entreprises sociales sont victimes d’un cliché, qui les dépeint  comme dépendantes des subsides publics, regrette-t-elle. Pourtant, ce sont des entreprises comme les autres qui cherchent à assurer leur pérennité économique. Prendre exemple sur elles n’est pas facile, car il s’agit de repenser l’ensemble du fonctionnement de l’organisation. »

Prendre les devants

En tant qu’école de gestion, HEC a pour objectif de former de futurs gestionnaires. Et Virginie Xhauflair estime qu’il y a là l’opportunité de « changer le logiciel des étudiants et étudiantes », avec l’objectif d’ouvrir dès maintenant les dirigeants et dirigeantes en devenir à d’autres manières de faire. « Une école de gestion forme avant tout les étudiants à répondre à un problème par un outil adapté, explique-t-elle. Or, je souhaite quant à moi leur apprendre à poser la question du sens et de la finalité. Pourquoi agir comme je le fais, et surtout quelles seront les conséquences de ma décision sur l’ensemble des parties prenantes, et pas uniquement sur ma performance financière ? »

« On ne leur apprend pas qu’il y a d’autres limites que celles de l’argent, estime-t-elle encore. Or, les ressources dont ont besoin les entreprises ne sont pas infinies. Comment produire dans un monde limité ? Et finalement, est-ce que la croissance incarne ce qu’il y a de plus désirable aujourd’hui ? Il est impératif d’amener les étudiants et étudiantes, et même l’ensemble de l’école et de ses partenaires, à réfléchir de cette manière à leur impact sur le monde. »

À cette fin, Virginie Xhauflair participe à la formation des étudiants via deux masters. Le premier ambitionne de former ses participants à une gestion ancrée dans des pratiques sociales et durables, avec par exemple des cours sur les performances extrafinancières. Et le résultat s’avère payant. « Nous sentons qu’un changement s’opère, car aujourd’hui, certains étudiants s’inscrivent à HEC spécifiquement pour suivre ce master », se réjouit-elle. L’autre, nouvellement créé, s’adresse à tout détenteur d’un autre master, qu’il soit biologiste ou ingénieur, pour se former à d’autres manières de gérer et d’entreprendre en s’inspirant du fonctionnement des entreprises d’économie sociale.

Être force de changement

En tant que professeure d’éthique, Virginie Xhauflair s’est donné une mission : être force de transformation de l’intérieur. « Une partie de la solution pour moi consiste à être au cœur du système et à œuvrer à en changer le paradigme », pense-t-elle. Elle a participé pour cela à la création du S’Lab, une plateforme qui vise à accompagner et accélérer la transition écologique et sociale, non seulement au sein de HEC, mais également chez tous ses partenaires. « Une école de gestion doit se conformer à des standards d’excellence, explique-t-elle. Mais cela contribue à véhiculer des normes qui ne sont pas compatibles avec une transition écologique et sociale. »

La chercheuse tire de ces nombreuses collaborations beaucoup d’espoir, elle qui est persuadée de la puissance de l’action collective. « Mes collègues et moi-même souhaitons être les hérauts d’une durabilité forte et radicale, clame-t-elle. Et les personnes qui aspirent à devenir force de changement sont nombreuses ! C’est aussi cela, la Fabrique des Possibles. »

 

[1] https://economiesociale.be

[2] https://www.w-alter.be

 

 


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