La transition énergétique nous demande de nous tourner massivement vers l’électricité afin d’alimenter nos voitures et nos maisons. Un challenge que le spécialiste des réseaux électriques souhaite transformer en une formidable opportunité : permettre au citoyen de reprendre possession de sa consommation d’énergie. Le tout avec l’aide de l’intelligence artificielle.
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L’élan est là, indéniablement. Voitures électriques, panneaux solaires et autres stations de recharge sont enfin entrés dans nos vies quotidiennes, et leur présence prend peu à peu de l’ampleur. « Il y a une réelle prise de conscience du public dans ce domaine, se réjouit Bertrand Cornélusse. C’est évidemment une très bonne chose, puisqu’une électricité produite et consommée localement va de pair avec une diminution des pertes et donc une augmentation de son efficacité. C’est un sacré challenge pour nos réseaux de distribution, qui va poser beaucoup de difficultés… Mais aussi une période intellectuellement très excitante pour mon travail » ajoute-t-il avec un sourire.
Le chercheur, chargé de cours à la Faculté de Sciences appliquées, en sait quelque chose, lui qui œuvre à faire évoluer nos systèmes d’énergie pour la transition énergétique, ainsi qu’à améliorer la gestion des réseaux électriques de façon à ce qu’ils puissent intégrer les énergies renouvelables. Il a d’ailleurs travaillé à la planification de centrales électriques en France et sur les grands marchés de l’énergie avant de revenir à l’Université. « Mes intérêts ont progressivement migré vers des projets plus locaux, comme les petits réseaux de distribution, la gestion de l’énergie au sein d’une maison, évoque-t-il. Par exemple, comment faire en sorte que la production de panneaux solaires sur votre toit profite à votre voisin en votre absence, plutôt que de l’envoyer loin dans le réseau, avec les pertes que cela implique ? C’est le principe de la communauté d’énergie, où des producteurs d’énergie s’associent à des consommateurs, le tout au niveau local, comme le projet MeryGrid en province de Liège. Je suis convaincu que beaucoup de choses vont se jouer à ce niveau. »
Pour cela, le chercheur compte sur le déploiement d’outils d’intelligence artificielle qui permettront aux citoyens d’améliorer leur propre gestion de l’énergie. « On ne peut pas s’attendre à ce que les gens passent leur temps à gérer leur consommation, depuis la production d’électricité solaire à la recharge de leur voiture, estime-t-il. Ce sont des tâches complexes qui doivent être automatisées, et nous avons aujourd’hui tous les outils disponibles pour cela. »
Une conscience collective
Cette meilleure gestion de l’énergie passe aussi, selon Bertrand Cornélusse, par une plus grande conscientisation de nos usages. « J’ai le sentiment qu’il y a encore quelques années, on ne faisait guère attention à l’énergie dépensée, pour se chauffer ou se déplacer par exemple, estime-t-il. Cette préoccupation actuelle est une opportunité pour améliorer les choses, apprendre à consommer l’énergie au bon moment, en ne rechargeant pas tous nos véhicules électriques en même temps par exemple, ou en étalant cette recharge sur toute la nuit… Autrement dit, reprendre possession de notre consommation d’énergie. »
Une prise de conscience collective d’autant plus nécessaire au vu du colossal chantier qui nous attend. « La transition énergétique nous demande d’électrifier massivement notre énergie, prévient-il. Si cela signifie d’importants investissements en termes de réseaux de distribution, nous devrons également gérer les flux de façon plus intelligente. Et pour cela, il est impératif de mesurer et agir sur notre consommation individuelle, et prendre conscience des conséquences que peuvent avoir nos actions au niveau local, car éliminer une consommation superflue diminue d’autant la pression sur le réseau. »
Actions personnelles
Cette conviction, le spécialiste la puise aussi bien dans ses recherches que ses actions personnelles, lui qui a investi dans des outils de monitoring pour son domicile. « J’ai transformé ma maison en une sorte de projet pilote de mes recherches, s’amuse-t-il, ce qui me permet de tester réellement ce qui pourrait être mis en place à l’échelle de la population. J’ai par exemple installé des vannes thermostatiques connectées sur tous mes radiateurs et pilotées à distances, qui m’ont permis de diviser ma consommation de gaz par deux ! »
Bertrand Cornélusse se sert également de cette recherche citoyenne pour illustrer l’enseignement qu’il dispense à ses étudiants et étudiantes, une fonction qu’il remplit avec beaucoup de plaisir. « J’essaie de développer l’esprit critique des étudiants sur ces questions, raconte-t-il. Et force est de constater qu’ils sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur l’impact sociétal de la technologie. Cela suscite souvent beaucoup de discussions très stimulantes. » Et un espoir : que ces jeunes continueront, une fois diplômés, à questionner et changer de l’intérieur le monde de l’entreprise. En somme, fabriquer de nouveaux possibles.
En tant que lieu de production et de transmission des connaissances scientifiques, l’Université a un rôle majeur à assumer. Elle doit à la fois accompagner la transition de la société mais également penser sa propre transformation. La nouvelle équipe rectorale a placé la transition environnementale et sociale au cœur de son programme et en a fait un élément transversal et structurant de son plan stratégique institutionnel.
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