Épisode 6

Sébastien Brunet : la puissance de l’imagination


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Le pire n’est jamais certain, et le meilleur est toujours à construire. Dans une époque à la croisée des chemins, le professeur de Sciences politiques Sébastien Brunet tente de convaincre citoyens et politiques d’embarquer ensemble dans un exercice d’imagination, et ainsi de semer les graines du futur qui nous semble désirable. 

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C’est dans l’ancien bassin de la Cité Miroir à Liège, devenu « un lieu de mémoire où le passé nous revient pour alimenter et construire demain » que Sébastien Brunet a tenté d’esquisser non pas le futur, mais les moyens d’obtenir celui que l’on souhaite. Un travail de prospective qu’il développe à la fois à l’Université de Liège, en tant que spécialiste de la gestion de crise et de la planification d’urgence, et à l’IWEPS, l’Institut Wallon de l’Évaluation, de la Prospective et de la Statistique dont il est l’Administrateur général. « De tous les futurs possibles, certains sont bien sûr d’ores et déjà inévitables, note le politologue. D’autres, en revanche, sont incertains, et d’autres encore sont à construire complètement. Pour les faire advenir, il est crucial de réinvestir notre capacité de création, dans une époque qui a souvent tendance à croire que tout est déjà tracé. Or, tout n’est pas joué d’avance ! Ces futurs sont là, encore accessibles ! »

Et c’est bien pour leur faire prendre corps que Sébastien Brunet a à cœur de permettre à nos systèmes démocratiques de s’extraire du présent. « Les enjeux de la transition écologique doivent nous amener à penser le temps long, estime le chercheur. Or, nous sommes dans une époque soumise à la tyrannie du présent. Les décisions politiques ont beaucoup de mal à s’extraire de cette vision à court terme dictée, notamment, par l’agenda électoral. »

Le pouvoir du peuple

Le politologue prône ainsi un recours plus fréquent aux assemblées citoyennes, des espaces-temps où l’on peut s’extraire de cette pression de l’immédiat. « Menées avec authenticité, ces assemblées sont particulièrement fécondes, explique-t-il, car on y rencontre une intelligence collective et une expertise que l’on ne voit pas ailleurs. Loin des politiques et des professeurs d’université habituellement questionnés dans les processus de décision, on y croise des experts et expertes d’usage, c’est-à-dire des citoyens et citoyennes qui connaissent le monde d’une autre manière. Et lorsqu’on les amène à interagir, de magnifiques propositions émergent ! Ces assemblées ont réellement à apprendre à nos démocraties », soutient encore le professeur.

Elles sont aussi un outil très précieux pour remettre de l’humain dans une démocratie que l’on perçoit souvent comme étant dirigée uniquement par des questions techniques et économiques, loin des préoccupations du quotidien. « Il existe un grand sentiment d’impuissance au sein de la population face aux enjeux actuels, et les gens se détournent du politique, éclaire Sébastien Brunet. Or, c’est évidemment dans cette période que l’on en a le plus besoin ! Nous devons donc reconnecter les deux, à la fois de l’extérieur, en multipliant les mobilisations et les manifestations, mais aussi de l’intérieur en renouvelant le monde politique. »

Selon Sébastien Brunet, il existe pour cela des outils très simples, comme limiter le nombre maximum de mandats qu’une personne peut exercer dans le temps. « Au lieu d’en faire une profession, on doit permettre à celles et ceux qui le souhaitent d’entrer en politique pour une période de leur vie, mais également d’en sortir, en retournant à leurs activités civiles, détaille-t-il. Cela permettrait de brasser les expériences, d’accueillir des expertises différentes, et aussi de limiter le pouvoir des lobbys, qui devraient ainsi régulièrement renouveler leur influence auprès de nouvelles personnes. »

Agir dès à présent

Paradoxalement, le politologue pense que cette question du futur deviendra, dans les années à venir, une composante essentielle du débat public. « Je pense qu’il va y avoir une prise de conscience d’une indispensable solidarité avec les générations futures, projette-t-il. Si nous souhaitons changer les choses, nous devons y travailler dès à présent, et je pense que cela s’imposera à nous avec les crises à venir. Reste à ne pas uniquement réagir dans l’urgence, et construire une réponse solide qui s’inscrive dans le temps long », ajoute-t-il en souriant.

L’homme, quant à lui, n’a pas attendu demain pour s’atteler à la fabrique des possibles. Sébastien Brunet est très impliqué dans l’Université d’été Climactes, dont la troisième édition s'est tenue cette année au Sart-Tilman. « L’idée consiste à stimuler des projets de jeunes adultes souhaitant diminuer notre empreinte écologique, en leur permettant de devenir économiquement viables, résume le chercheur. En plus de créer un réseau militant, toutes ces entreprises auront des conséquences positives pour les citoyens, l’environnement, la biodiversité, le climat… » Un accompagnement qu’il a personnellement mené durant la première édition de l’évènement.

Le territoire des possibles

Ce projet de société, Sébastien Brunet en a fait son moteur personnel. « Pris dans la routine, on a parfois tendance à oublier qu’un autre monde est possible, remarque-t-il. Pourtant, je persiste à penser que le champ des possibilités est toujours ouvert ! Car en réalité, tout est véritablement là, prêt à être récolté pour participer à la construction de demain. »

Une construction qui ne pourra se faire, selon lui, sans l’Université. « Si la mondialisation est un phénomène qui est là pour rester, l’un des enjeux de notre époque est de nous ré-ancrer dans notre territoire, pointe Sébastien Brunet. C’est le rôle de l’Université de nous faire prendre conscience du territoire duquel nous dépendons et de nous y reconnecter : avec les gens qui y vivent, mais aussi son environnement et sa biodiversité. »

Et pour ce qui est de la Belgique, Sébastien Brunet nous donne rendez-vous en… 2030. « En 2016, j’ai demandé à mes étudiants en sciences politiques d’imaginer ce que sera la démocratie belge quatorze ans plus tard, confie-t-il. Nous avons scellé ces scénarios dans une capsule temporelle, que nous rouvriront tous ensemble, futurs et anciens étudiants, en 2030. Nous comparerons alors leurs travaux à la réalité… » Qui douterait encore de la puissance de l’imagination ?

 


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