L’épicerie solidaire le Kotidien


En février 2022, la première épicerie solidaire à destination des étudiants et étudiantes en Belgique francophone a ouvert ses portes rue des Clarisses, dans le centre de Liège.

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Deux conditions pour accéder au Kotidien, être étudiant dans un établissement d’enseignement supérieur en province de Liège ou de Luxembourg et être dans une situation financière difficile. Le respect de ce second critère se base sur la confiance. Les étudiants sont invités à signer une déclaration sur l’honneur, sans contrôle de leurs revenus. Ils y trouvent gratuitement ou au quart du prix du marché des produits de consommation courante.

Une alliance interinstitutionnelle

En avril 2019, une étude sur les conditions de vie des étudiants en Fédération Wallonie Bruxelles, commanditée par le ministère de l’Enseignement supérieur, dévoilait deux nouveaux objets de préoccupation : la santé mentale et l’alimentation, qui venaient s’ajouter à d’autres thématiques comme le logement ou la mobilité. « En prenant connaissance de l’étude, confie Aurélie Proietti, du Pôle Académique Liège-Luxembourg, nous nous sommes demandé comment répondre à ces phénomènes sociaux, tout en sachant que nous ne pourrions pas tous les résoudre. Nous nous sommes focalisés sur l’alimentation et avons entamé nos réflexions, influencés par une bonne pratique référencée à Bruxelles, à savoir la distribution de paniers solidaires. » Durant la crise sanitaire, de février à juin 2021, l’Université de Liège a proposé des paniers gratuits de produits bio et locaux pour soutenir les étudiants et les aider à faire face aux dépenses du quotidien . Pour ancrer la démarche dans la durée, les paniers ont fait place à l’établissement d’une épicerie solidaire. Pour concrétiser ce projet, Aurélie Proietti est partie à la rencontre du monde des épiceries sociales et de l’aide alimentaire. Si elles étaient déjà nombreuses, une zone en friche demeurait pour répondre aux réalités de nombreux jeunes. « Ceux qui sont inscrits dans un CPAS y ont accès, explique Magali Thonon, psychologue au service des Affaires étudiantes de l’ULiège. Mais beaucoup d’étudiants ne remplissent pas les critères sélectifs malgré de gros soucis financiers. Il suffit par exemple que leurs deux parents travaillent sans parvenir à les aider. Dès lors, les épiceries solidaires aidaient ces étudiants sous le manteau, mais la situation n’était confortable pour personne. C’est déjà difficile de demander de l’aide, ça l’est d’autant plus quand le service n’est pas prévu pour. » L’épicerie étudiante devait tenir compte de cette réalité. Elle devait aussi être accessible à tous les étudiants du supérieur, quelle que soit leur institution, sans discrimination. Le projet est chapeauté et financé en partie par le Pôle académique Liège-Luxembourg, mais toutes les Universités et Hautes Écoles des deux provinces participent aux discussions et au financement du projet. Chaque structure alloue un pourcentage au prorata du nombre d’étudiants inscrits. Une distribution équitable qui signe une très belle solidarité interinstitutionnelle autour d’un projet fédérateur. L’initiative jouit également d’un soutien du Fonds Pauvreté, géré par la Fondation Roi Baudouin, ainsi que de dons et de partenariats solidaires. « Nous avons en outre impliqué la communauté étudiante dès le départ, souligne Aurélie Proietti. Un groupe d’étudiants a élaboré un questionnaire diffusé au sein des différentes institutions. Quelle situation géographique privilégier ? Quels horaires d’ouverture, quels produits choisir… Nous nous sommes appuyés sur les résultats de cette enquête tout au long de la mise en place du projet. »

Aux origines : le plaisir et la dignité

« La grande différence entre l’épicerie et les paniers, distingue Aurélie Proietti, c’est que les bénéficiaires peuvent choisir les produits qu’ils vont manger, et ce avec une plus grande discrétion. Logistiquement, c’est un peu plus compliqué, mais il y a un respect de la dignité humaine et de la notion de plaisir liée à l’alimentation. Nous sortons de l’idée qu’une personne précarisée doit se contenter de ce qu’on lui donne. » Une attention est également portée à la question environnementale. Certains produits sont proposés en vrac, d’autres sont choisis auprès de producteurs locaux. En marge, des serviettes hygiéniques, des moon cup ont été proposées aux étudiantes, etc. Le Kotidien est ouvert 3 jours par semaine (lundi, mercredi et vendredi) de 17h à 19h. Il est tenu par 5 étudiants jobistes rémunérés sous contrat « bénévolat/volontariat ». « Nous proposons un large choix de fruits et de légumes particulièrement appréciés, du lait, de la farine, des œufs, de la viande… détaille Isabelle Jardon, coordinatrice de l’épicerie solidaire. Ces produits sont issus d’épiceries locales partenaires, du Jardin d’Antan et du réseau de producteurs Terre d’Herbage, de la boulangerie sans patron, qui nous donne les invendus de fin de journée, et de la banque alimentaire. Nous avons également pu acquérir une chambre froide grâce à un don de la Fondation Roi Baudoin. Le vrac et la vente de certains produits biologiques sont rendus possibles grâce à Al’Binette, qui nous fait bénéficier du prix fournisseurs. Le Carrefour de Ans nous fournit régulièrement ses invendus, et d’autres dons plus ponctuels complètent l’offre. Mais nous sommes toujours en quête de bénévoles et de partenariats pour augmenter le stock. » L’initiative a remporté le prix Solidaris, ce qui lui a permis d’acheter un vélo cargo destiné à la récolte des invendus de petits commerçants de la région. En novembre 2022, quelque 920 étudiants étaient inscrits (pour un bassin de 50 000 étudiants). Ce chiffre n’est pas représentatif d’une réalité aujourd’hui difficile à estimer. D’une part, l’épicerie doit se faire connaître, d’autre part, de nombreux jeunes ne se sentent pas légitimes pour bénéficier de ce type d’aide, même en situation objectivée de précarité alimentaire. Toujours est-il qu’ils sont aux alentours de 180 à venir chaque semaine. « La limite actuellement fixée, c’est un panier de 10 produits maximum par semaine. Ce panier revient à environ 4,5 euros. Et les étudiants se révèlent particulièrement respectueux. Ils ont à cœur de ne pas prendre trop d’aliments pour permettre à d’autres d’en bénéficier. » Un lieu de solidarité aussi prioritaire que central dans la lutte contre la pauvreté et pour un accès digne à une alimentation de qualité pour tous. Car si les raisons des difficultés financières des étudiants peuvent être multiples, trop peu de structures existent à l’heure actuelle pour les aider.

Épicerie solidaire le Kotidien

Rue des Clarisses 28, 4000 Liège

Tél : 0496/ 20 28 41

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modifié le 16/10/2023

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